Pleins feux sur scène
EAN13
9782700236040
ISBN
978-2-7002-3604-0
Éditeur
Rageot
Date de publication
Collection
Heure noire
Nombre de pages
179
Dimensions
19 x 13 cm
Poids
228 g
Langue
français
Code dewey
804
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Pleins feux sur scène

De

Rageot

Heure noire

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SOMMAIRE

1. LA VEILLE DU JOUR. SAMEDI. 9H 15. ROMAIN

2. LA VEILLE DU JOUR. SAMEDI. 9H 22. STÉPHANIE

3. L'AVANT VEILLE DU JOUR. VENDREDI. 17H 04. MAX, SABINE, SOLEDAD...

4. LA VEILLE DU JOUR. SAMEDI. 10H 36. ROMAIN, JEAN...

5. LA VEILLE DU JOUR. SAMEDI. 16H 07. MAX

6. LA VEILLE DU JOUR. SAMEDI 17H 15. STÉPHANIE, JEAN

7. LA VEILLE DU JOUR. SAMEDI 17H 18. ROMAIN, SABINE

8. LA JOUR. DIMANCHE. 4H 24. STEPHANIE

9. LE JOUR. DIMANCHE. 4H 32. JEAN

10. LE JOUR. DIMANCHE. 10H 47. MAX

11. LE JOUR. DIMANCHE. 10H 48. ROMAIN

12. LE JOUR. DIMANCHE. 14H 05 MAX

14. LE JOUR. DIMANCHE. 14H 12. STÉPHANIE

15. LE JOUR. DIMANCHE. 14H 52. ROMAIN, JEAN...

16. LE JOUR. DIMANCHE. 14H 53. MAX

17. LE JOUR. DIMANCHE. 14H 54. TOUS

18. LE LENDEMAIN DU JOUR. LUNDI. 17H 32. ROMAIN, MAX

Une première version de ce roman
a paru sous le titre
Les brûlures du jour
(éditions Nathan, 2006).

978-2-700-23604-0

ISSN 1766-3016

© RAGEOT-ÉDITEUR – PARIS, 2009.

Tous droits de reproduction, de traduction et d'adaptation réservés pour tous pays. Loi n° 49-956 du 16-07-1949 sur les publications destinées à la jeunesse.

Du même auteur, dans la même collection :

Fantôme sous la pluie

Pour Nicolas et Nathan.e9782700236040_i0002.jpg

1

La veille du jour.
Samedi. 9h 15.
Romain.

Ce matin-là, le Buena Vida, un porte-conteneurs vénézuélien aux dimensions impressionnantes, se laissait traîner dans l'estuaire de la Saponne par deux remorqueurs qui le menaient doucement à son quai de débarquement. J'ai accéléré sur mon vélo. Pas parce que je risquais d'être en retard, mais pour ne rien rater de son accostage en face des docks du quai Hichour.

J'ai toujours été fasciné par ce spectacle à la fois habituel et extraordinaire sur le fleuve. Deux insectes aux dimensions dérisoires commandant à la bonne destinée d'un mastodonte obéissant et incapable de se débrouiller tout seul à l'approche de chez nous.

De la même façon, je pouvais rester scotché devant une fourmilière pour assister à la progression d'un énorme scarabée qu'une multitude de fourmis, cent fois plus petites, menaient vers leur garde-manger pour lui vider le ventre. Aujourd'hui le scarabée venait de Caracas et les fourmis n'étaient que deux, et pour rien au monde je n'aurais raté ça.

Le ciel était en ciment, murant le soleil derrière un voile opaque. C'était mars et il promettait de ne pas pleuvoir, mais ici on ne peut jamais avoir complètement confiance dans les promesses du ciel.

Le vent soufflait de l'ouest et le grand cargo barrissait en se laissant dompter. Pour le suivre le plus longtemps possible j'ai pédalé comme un malade. C'était sûr, j'allais être en retard, tant pis, Chimène pourrait bien patienter un peu. L'entrée majestueuse du Buena Vida dans notre port, son amarrage sous les grues de déchargement, toute cette gracieuse chorégraphie justifiait qu'une reine de la scène attende son Rodrigue.

Pas vraiment sympa, le vent, ce samedi. Il soufflait contre moi.

J'ai décuplé mon effort pour arriver au moment où les remorqueurs abandonnaient leur pachyderme aux palans des grues dressées comme des girafes.

Une fois la tâche accomplie, les deux remorqueurs se sont éloignés fièrement par le milieu du fleuve. Un autre cargo attendait peut-être leur aide, en aval, pour rejoindre nos quais.

J'étais en retard. Pourtant, j'aurais pu rester là des heures entières, sans me lasser un seul instant, à me rassasier de ces allées et venues des navires, de la danse des grues et des camions. Les unes, telles des chirurgiennes, les vidaient par le ventre, les autres, aides-soignantes, accueillaient leurs chargements sur leurs plateaux ou dans leurs bennes.

J'aurais pu me laisser bercer encore. Seulement, impossible de grappiller plus de temps ce matin. Chimène-Sabine allait s'inquiéter pour moi (ce n'était ni bien grave ni pour me déplaire), et Corrèze pousser une nouvelle gueulante (mais Corrèze poussait des gueulantes pour rien).

J'ai replacé les écouteurs de mon iPod bien au fond de mes oreilles et, un peu à contrecœur, enfourché à nouveau mon vélo. J'ai appuyé plus fort sur les pédales, histoire de rattraper un chouïa le temps que je venais de m'accorder à scruter le fleuve, histoire aussi d'arriver suffisamment essoufflé pour que l'engueulade de Corrèze soit moins tonitruante. Ces efforts étaient sans doute inutiles, même à battre des records de vitesse sur cette bécane pourrie, rien ne pourrait y changer, les sautes d'humeur de Corrèze étaient toujours apocalyptiques...e9782700236040_i0003.jpg

Dans mes oreilles, l'acteur Gérard Philipe récitait les vers du Cid de Corneille. J'avais enregistré ce texte de la pièce sur une vidéo récupérée à la médiathèque de la ville. Il ne faut pas croire que je préfère écouter les tirades et les dialogues des pièces classiques plutôt que du rap ou de la soul quand je visse les écouteurs de mon iPod, mais, ce texte, je devais le connaître sur le bout des lèvres. Alors, depuis des semaines, je me le repassais en boucle pour m'en imprégner totalement. Je n'avais rien trouvé de plus efficace et franchement, cela marchait assez bien. À présent, je réussissais à accompagner l'enregistrement presque mot à mot jusqu'au bout.

Je m'apprêtais à quitter les abords des quais quand le scooter est passé. Un scooter ? Une bombe plutôt ! Ma surprise a été telle que j'ai cru qu'un missile m'avait percuté par le côté. Le fou qui le conduisait m'a accroché le bras gauche et envoyé valdinguer contre le bord du trottoir. Rodrigue, Chimène, Le Cid, Corneille, se sont tus brusquement et moi, j'ai hurlé de surprise et de douleur et ce n'était pas un alexandrin :

– Pauvre dingue, vous pouvez pas faire gaffe !

En rabotant le bitume, mon coude droit avait été éraflé jusqu'au milieu de l'avant-bras. Il saignait doucement. Une pédale avait déchiré le bas du pantalon et entaillé ma cheville. Une petite tache de sang commençait à se former. La blessure semblait assez superficielle, mais me brûlait.

À vingt mètres, le chauffeur du missile s'était arrêté. Peinard, il avait posé le pied à terre et me regardait, là, affalé sur le sol. Un instant il a vérifié la carrosserie de son engin pour s'assurer que l'accident qu'il avait provoqué n'avait pas écaillé les chromes de sa chère machine, et enfin, s'est décidé à effectuer un demi-tour pour revenir vers moi. J'ai cru bêtement qu'il rappliquait pour s'excuser, s'enquérir de mon état, m'aider à me relever. Je suis un naïf rêveur.

Le fou a fait crisser la roue arrière de son engin avant de tout lâcher et de foncer sur moi, tel un taureau de combat en combinaison noire et casque intégral. Pas vraiment une attitude de secours ou d'infirmier.

Toujours à terre, je n'étais pas dans le rôle du toréador préparé à un nouvel assaut. Je me suis protégé le visage comme j'ai pu et ce dingue a freiné à dix centimètres de mon genou avec un dérapage sans doute piqué dans une série télé.

– T'as un blème ? a fait le Dark Vador sans relever sa visière opaque.

Il a tranquillement quitté sa selle avant de béquiller son engin. Il avait peut-être piqué ça dans un western, en tout cas, il se donnait le genre du type qui se promène dans la rue en imaginant qu'une caméra n'a rien d'autre à faire que le suivre.

– Ben oui, vous m'avez renversé... Je ne sais pas si vous avez remarqué... j'ai dit en me redressant maladroitement sur mes coudes.

Je n'avais pas vraiment mal, la chute m'avait surtout choqué et j'étais très en colère. Seulement, pas besoin d'avoir fait de longues études de psycho pour sentir qu'il valait mieux ne pas trop le chercher si je voulais éviter qu'il aggrave mon cas. Ce sont des choses qui ne s'expliquent pas. On les sent ou pas. Le bahut et les petits caïds qu'il fabrique parfois m'ont appris cela depuis un bon moment, et ce matin-là je ne désirais qu'une chose, arriver entier à la répétition de notre pièce de théâtre. De plus, les sorties de cantine ou les bousculades de couloirs m'ont enseigné aussi que lever la main sur celui qui n'attend que ça mène toujours à une déculottée plus cuisante encore. J'ai vu des castagnes qui prenaient leur source dans un simple regard mal posé sur les crapules.

– Faut pas sor...
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