Fantôme sous la pluie
EAN13
9782700236033
ISBN
978-2-7002-3603-3
Éditeur
Rageot
Date de publication
Collection
Heure noire
Nombre de pages
152
Dimensions
19 x 13 cm
Poids
196 g
Langue
français
Code dewey
804
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Fantôme sous la pluie

De

Rageot

Heure noire

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Sommaire

Trop !

Messages

C'est simple !

« Papa ? »

Fou !

Des si et des ça

Un Fantôme

Peut-être...

Trou à rats

Quand ?

Monstres !

Marché de DUPES

Ne pas mourir

Mon ami

Une première version de ce roman
a paru sous le titre
Le tombé du jour
(éditions Nathan, 2004).

978-2-700-23603-3

ISSN 1766-3016

© RAGEOT-ÉDITEUR – PARIS, 2009.

Tous droits de reproduction, de traduction et d'adaptation réservés
pour tous pays. Loi n° 49-956 du 16-07-1949 sur les publications
destinées à la jeunesse.

Du même auteur, dans la même collection :

Pleins feux sur scène

Pour Nicolas et Nathan.

Trop !

Trop ! Ce type était trop !

Le nouveau chéri de ma mère m'a déplu dès que je l'ai vu se lever à mon entrée dans le salon. Il a bondi trop brusquement du canapé, m'a tendu la main trop tôt alors que je me trouvais encore à la porte de la pièce. Il avait installé sur son visage un sourire trop béat. Un rictus qui cachait mal son trac de me rencontrer.

Édouard, le précédent, était plus trapu, plus rond, mais aussi plus inquiet que celui-là lorsqu'il m'avait vu la première fois. Ce coup-ci, ma mère avait dégotté un grand brun frisé en costume de lin blanc cassé, savamment froissé. Le costume, froissé ; pas le bonhomme !

Je lui accordais une bonne quarantaine d'années, même s'il essayait de tricher avec sa barbe de trois jours et ses boucles légèrement trop longues. Un mètre quatre-vingts au moins. J'ai pensé qu'il avait sans doute plu à maman à cause de sa carrure de rugbyman, ou alors de ses yeux, trop bleus, trop clairs.

– Salut Matthieu ! a fait le costume blanc cassé en se trémoussant un peu comme s'il avait un besoin pressant de filer aux toilettes.

Pourquoi « salut » et pas « bonsoir » ? Probablement pour faire jeune.

– Matthieu, je te présente Tristan-Denis ! Il voulait absolument faire ta connaissance ! a gazouillé ma mère en rappliquant de la cuisine.

Elle portait sa robe noire incrustée de petits brillants et au décolleté en dentelle, celle des sorties resto. Celle qu'elle enfilait à chaque fois qu'elle espérait avoir dégotté l'oiseau rare sur Meetic ou un site du même genre, et qu'elle accordait, pleine d'espoir, sa soirée à son nouveau prétendant. Je dis cela sans méchanceté pour elle. Les tentatives de ma mère pour se trouver un compagnon avaient quelque chose de touchant et de désespéré à la fois. Depuis des années, quelques spécimens étaient passés par la maison, à chaque fois, midinette émue et rêveuse, ma mère avait voulu croire qu'elle avait déniché la perle. Cela durait plus ou moins longtemps et le bel oiseau finissait par s'envoler, soit de lui-même, soit parce qu'elle le fichait dehors sans ménagement.

Dans ses mains, ma mère tenait un plateau sur lequel s'entrechoquaient trois verres, une bouteille de vin et une brique de jus d'orange. Elle avait aussi préparé deux soucoupes de cacahuètes et de chips mexicaines. Au jus de fruit, j'ai su qu'elle m'avait prévu pour l'apéro avant leur soirée en ville.

Tristan-Denis ! En tout cas, il n'avait certainement pas charmé ma mère avec son prénom, celui-là. On n'avait pas dû l'épargner dans les cours de récréation avec ce « Tristan-Denis ». Sauf que lui, il avait eu la carrure pour régler leur compte à ceux qui se risquaient à rigoler de son double prénom ridicule. Le bonhomme a cru que mon sourire lui était destiné.

– Maggy m'a tellement parlé de toi ! a fait le rugbyman, tentant un début d'échange en grande profondeur.

Maggy ? Ma mère s'appelait Marguerite, comment un type avec un prénom pareil avait-il pu oser la débaptiser ?

– Tellement... a-t-il répété, sans doute gêné que je ne relève pas son invitation à parler.

J'ai failli lui balancer sèchement que, non, justement, elle n'avait absolument pas fait allusion à son existence. Cela n'aurait été qu'un demi-mensonge. Depuis quinze jours, elle m'avait bien glissé à deux ou trois reprises qu'elle voulait me présenter « quelqu'un ». Seulement pour moi, des « quelqu'un », depuis que mon père s'était rayé de la carte de géo. de chez nous et que ma mère changeait de chéri quatre ou cinq fois par an, cela voulait plutôt dire « personne ». Mais à quoi bon faire de la peine à ma mère, elle avait l'air si heureuse dans sa nouvelle idylle.

– Bonsoir, m'man !

J'ai déposé une bise rapide sur son front.

– Bonsoir, monsieur !

C'était bien la peine d'être taillé comme une armoire normande. Il m'a serré la main comme si j'étais en sucre ou contagieux. Une main trop molle (de la guimauve), trop moite (le trac sûrement), trop fuyante (pas si à l'aise qu'il voulait s'en donner l'air, le cueilleur de « Marguerite »).

J'ai eu le temps de voir son alliance. Une bague énorme du genre : Je te tape à l'œil et je te laisse des traces tellement c'est gros. Jamais vu bijou de pareille taille chez un homme. Est-ce qu'il avait oublié de la retirer ou est-ce que c'était volontaire ?

– On boit quelque chose avant de sortir en ville ! Joins-toi à nous ! a dit ma mère au bout de trois secondes d'un silence insupportable.

– Faut que je monte d'abord dans ma chambre ! J'ai des trucs d'anglais à vérifier ! Commencez sans moi ! ai-je fait, juste assez poli, en battant en retraite vers le couloir.

– Ah, l'anglais, pas facile ! Je n'aimais pas trop ça non plus ! s'est cru obligé de bafouiller « le nouveau » pour la jouer solidaire.

Dans l'escalier, j'ai eu le temps de l'entendre susurrer à ma mère :

– Non, Maggy, tu sais bien, jamais d'alcool en dehors des repas ! Un jus d'orange, ce sera parfait.

Trop naze !

Je me suis abstenu de pouffer. Après tout, ce n'était pas pour moi qu'il était venu faire cligner ses iris turquoise.

J'ai balancé mon sac sur le lit et, comme chaque soir, j'ai allumé mon ordinateur pour relever mes mails et trifouiller MSN pour vérifier si j'avais des amis. Même si nous venions de passer la journée ensemble, mes copains et moi avions toujours besoin de continuer nos conversations au-delà des murs du collège.

La flèche de chargement commençait à tourner, lorsque ma mère est entrée dans ma chambre.

– Matthieu ! J'aimerais vraiment... que tu fasses... un petit effort !

À l'entendre hésiter pour choisir ses mots, le « petit effort » pour l'instant, c'est elle qui le faisait.

– De quoi tu parles, Maggy ! De mes exos d'anglais ? l'ai-je taquinée tout en observant la flèche qui continuait à tourner sur l'écran.

– Oh, je t'en prie, je parle de mon ami. Il m'emmène dîner et je voudrais que tu...

– Que je ne laisse pas de bazar dans la cuisine ? Que je ne regarde pas la télé trop longtemps ? Que je n'oublie pas d'éteindre partout ? Que je me brosse les dents au moins trois minutes ? Que je ne passe pas ma soirée au téléphone avec Antoine ou sur Internet ? Compte sur moi... Maggy !

– Arrête ! ! ! Tu vois très bien de quoi je parle !

Elle avait crié en sourdine pour qu'en bas le rugbyman n'entende rien.

– Mais enfin, maman, c'est ton ami, pas le mien ! On mange quelques cacahuètes ensemble, pas de problème. Vous sortez et je suppose que vous rentrerez tard. Je n'ai rien à dire. Mais il ne faut quand même pas t'attendre à ce que je lui saute au cou en lui demandant « Bonjour, c'est toi mon nouveau papa ? ».

– Matthieu !

– T'inquiète pas, je plaisante. Je vois bien que tu es très heureuse de l'amener ici, enfin, je veux dire à un moment où je suis à la maison. Pour une demi-heure d'apéro, ça ira...

– Tu le jures ?

– Mais oui ! Juste un truc, m'man, celui-là, tu l'as trouvé où ?

– Matthieu ! Je ne te permets pas ! a-t-elle lancé, offusquée par cette question sûrement trop indiscrète.

J'ai tout de même insisté, plus amusé par sa gêne que vraiment intéressé par sa réponse.

– Alors ? C'est un collègue de l'agence ?

– Ça ne te concerne absolument pas !
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