Banquises, roman

Valentine Goby

Albin Michel

  • 25 avril 2012

    Voici un très bon roman sur le thème de la disparition et la découverte d'une très belle plume, celle de Valentine Goby.

    C'est un roman très sensible qui aborde la détresse d'une famille suite à la disparition de Sarah à l'âge de 22 ans. Depuis qu'elle a pris un avion pour le Groenland trente ans plus tôt, sa soeur Lisa tente de marcher sur les pas de la disparue. En 1982, personne ne sait ce qui est arrivé à cette jeune fille et le sac à dos retrouvé sur un bateau ne peuvent aider sa famille à élucider le mystère de cette disparition. La mère se noie dans le chagrin, le père dans la culture de l'oignon et Lisa dans l'anorexie. Depuis lors, Lisa est devenue transparente aux yeux de sa mère au sens propre comme au figuré.

    Valentine Goby commente le voyage de Lisa au Groenland sur les traces de sa soeur aînée. Un très beau voyage sur la banquise avec des paysages malmenés par le réchauffement climatique et l'âpreté des scènes de vie à Uunmmannaq. Les flashs back retracent le bouleversement familial suite à la disparition. J'ai apprécié davantage encore le voyage immobile des pensées de Lisa dans ce processus de reconstruction.

    Cette femme se sent vide, à tout moment, elle risque de se briser à la manière des banquises. Ces étendues de glace du Groenland laissent à leur surface tout ce qu'elles engloutissent au fil des années, comme la métaphore des désespoirs de Lisa.

    « Vingt-sept ans d’absence. Vingt-sept anniversaires qui ont pris le dessus, année après année, sur le jour de naissance : ils n’ont plus compté l’âge écoulé de Sarah mais mesuré l’attente. Vingt-sept ans, donc. Depuis longtemps Lisa déserte le rituel du 11 juillet, le repas maigre chez ses parents avec lumignon sous la photo de sa sœur. Désertion, c’est exactement ça, jeune femme elle a pensé je sèche, maintenant elle ne craint pas les mots et, en effet, elle quitte le front, elle ne lutte plus que dans le cercle étroit de sa propre famille, nucléaire, et tout de suite ça la protège du reste du monde. »

    Banquises, de Valentine Goby, éditions Albin Michel.


  • Conseillé par
    7 novembre 2011

    Vingt-huit ans après la disparition de sa sœur Sarah, Lisa mère de famille part pour le Groenland. Elle avait quatorze ans quand Sarah âgée de vingt-deux s’est envolée pour Uummannaq et n’est jamais revenue. Disparue mais majeure ont répondu les autorités à ses parents. Depuis vingt-huit ans sa mère s’est figée dans un hypothétique moment au cas où Sarah reviendrait. Lorsque son père entame les démarches administratives pour que Sarah soit officiellement déclarée décédée, le passé ressurgit pour Lisa. Il lui faut suivre, marcher dans les pas de Sarah sur la banquise.

    Si je m’étais perdue dans l’écriture de "Qui touche à mon corps,je le tue" ici l’écriture de Valentine Goby m’a accrochée ! Avec des phrases qui interpellent, des métaphores très belles , ce roman au style vif style est sans temps mort. Comme s’il s’agissait d’une course après le temps. Justement les banquises fondent et Lisa, vingt-huit ans après la disparition de Sarah, éprouve ce besoin d’aller là où sa sœur s’est rendue avant de disparaître. Sarah partie pour six semaines au Groenland n’est jamais réapparue et n’a jamais donné aucun signe de vie à sa famille. L’attente a commencé à partir de ce jour, une attente de chaque instant qui a pris toute la place. Etouffant Lisa, empêchant le deuil. Mot tabou même en pensée car sa mère espère encore et toujours. Les souvenirs de Lisa ponctuent ce présent où le grand Nord se meurt, où les banquises disparaissent entraînant avec elles les populations locales.

    Dans ce livre, où l’écriture imprime la rétine et l’esprit, le long quotidien de la famille de Sarah avec son lot de doutes, d’espoirs et de sentiments inavouables raconté par Lisa m’a touchée. Une histoire criante de douleurs dans un contexte environnemental bien réel. Le décompte a commencé semble nous dire Valentine Goby, réveillons-nous, tout comme la mère de Sarah ne voulait pas que sa file tombe dans l’oubli.

    Et puis, à la dernière page, j’ai eu cette impression que le voyage de Lisa n’était par totalement terminé et je suis restée un peu sur ma faim...
    Mais, les émotions m'ont prises à la gorge et j'ai vraiment aimé l'écriture !


  • Conseillé par
    22 septembre 2011

    Très bonne lecture

    Nous sommes en 2009. 27 ans auparavant, Sarah, vingt-deux ans, a disparu lors d'un voyage au Groenland. Lisa, sa soeur, avait 14 ans.

    Pour vivre et se construire, Lisa a rapidement pris le partie de considérer sa soeur comme morte, mais quand son père lui annonce qu'ils vont effectuer les démarches administratives pour déclarer officiellement Sarah décédée, tout lui remonte en mémoire. Elle va décider de se rendre au Groenland sur les derniers pas de sa soeur.

    Entre les chapîtres sur son voyage, vient s'insérer les moments vécus depuis 27 ans, l'insupportable attente, l'absence, les parents qui ne vivent que pour savoir et qui "oublient" de s'occuper de leur deuxième fille, le besoin de vivre malgré tout.

    J'ai retrouvé l'écriture de Valentine Goby, un style nerveux, des phrases courtes, une ponctuation fluctuante qui va tout a fait avec le sujet : l'absence d'une soeur, la destruction d'une famillle mais aussi le réchauffement d'un pays.


  • Conseillé par
    1 septembre 2011

    Valentine Goby va au fond de ses personnages, les ausculte, un peu comme Sylvie, la médecin exilée au Groenland qui devine les pathologies, les tumeurs en observant et en palpant, puisque non munie de scanner ; elle écrit aussi leurs peurs, leurs angoisses, leurs malheurs. Mais, malgré tout cela, je me suis un peu ennuyé dans le milieu du livre. Trop d'introspection qui tourne un peu en rond. La maman notamment est omniprésente, et sa dépression permanente est un peu trop décrite, trop présente par rapport à la vie de Lisa au Groenland et la recherche de sa propre personnalité. La perte d'un enfant est intolérable, insupportable, certes, mais je m'attendais plus à un roman initiatique pour Lisa qu'à un état des lieux de la dépression maternelle. Un peu beaucoup, un peu déprimant pour le lecteur aussi, surtout si l'on y ajoute, le froid glaciaire, la fin prévisible de certaines régions polaires. En plus, plus de soleil chez nous, alors que la glace fond aux pôles. Rien ne va plus ma p'tite dame. Tout fout le camp, on ne sait plus comment s'habiller (et il ne doit pas faire beau en mer = private joke, seuls quelques initiés, très rares, qui ne lisent pas forcément mon blog, comprendront. Pour les autres, je suis désolé, je n'ai pas pu m'en empêcher !)
    Heureusement, la fin du livre revient sur Lisa et sur son séjour sur la banquise. Là, elle est en face d'une catastrophe écologique et humaine, et elle relativise ses propres tourments. Sa rencontre de gens dans la misère, dans des situations inextricables l'aideront à avancer.
    Valentine Goby garde tout au long du livre son style nerveux et décousu, et même si parfois les phrases se font plus courtes, c'est juste un changement de ponctuation. Le point remplace la virgule, mais ni le rythme, ni le plaisir de lecture ne sont amoindris.
    Un roman qui n'emporte pas totalement mon adhésion par sa trop forte propension à s’appesantir sur la détresse maternelle au détriment de la reconstruction de Lisa et de la description de son séjour polaire, mais qui, par son écriture m'a vraiment accroché.