Le héron de Guernica

Antoine Choplin

Le Rouergue

  • Conseillé par
    15 décembre 2011

    26 avril 1937 à 16H30

    «Les femmes les enfants ont les mêmes roses rouges
    Dans les yeux
    Chacun montre son sang"
    Paul Eluard dans son poème «La victoire de Guernica».

    26 avril 1937 c’est jour de marché à Guernica. «Basilio n’a jamais vu la Calle Santa Maria aussi bondée qu’aujourd’hui. Son cochon en laisse et son sac de haricots sur l’épaule...» Basilio est un jeune peintre autodidacte qui peint les hérons cendrés des marais de Guernica. «Il se demande ce qu’elle en dirait Celestina, de cette feuille encore largement vierge, avec cet effet de plumes au milieu, et tout juste quelques traits pour témoigner de la silhouette élancée du héron.» Il est amoureux de Celestina.


    A 16H30 la cloche de l’église avertit la population d’une attaque aérienne. C’est la guerre civile en Espagne entre les républicains et le les nationalistes de Franco. Les bombardiers allemands alliés du sanglant général espagnol largueront sur Guernica 50 tonnes de bombes incendiaires et feront 1654 morts et près de mille blessés.
    Basilio a bien cherché à s’engager dans l’armée républicaine mais voilà il aime tant peindre ses hérons.
    Un autre peintre, autodidacte lui aussi, Picasso, deux mois plus tard peindra son monumental chef-d’oeuvre «Guernica». C’est à partir de photographies de Guernica en flammes publiées dans les journaux que Picasso va peindre ce tableau sur commande des républicains.
    Baselio sera le photographe témoin de l’horreur.
    Baselio survivant du massacre part à Paris voir le tableau de Picasso en espérant rencontrer le maître cubiste.
    Les républicains seront écrasés par les putschistes franquistes. Cela nous le savons. Mais qui survivra à cette cruauté ? De Celestina, du héron cendré, de la peinture, qu’adviendra t-il ?
    L’histoire vous le dira.
    Ce roman est écrit avec générosité et sensibilité. Très poétique.
    Une belle histoire singulière à lire pour le plaisir des mots et des images.


  • Conseillé par
    24 septembre 2011

    C'est un petit roman qui met en exergue l'amour de Basilio pour la peinture et des hérons. Tout est construit là-dessus et sur l'opposition à la barbarie qui va faire s'abattre sur Guernica les bombes nazies. "T'as l'aviation allemande qui nous passe à ras la casquette et qui balance des bombes sur nos maisons et tu voudrais qu'on s'émerveille devant un héron qui s'envole." (p.81) Mais il est aussi une représentation de ce qui a été vécu là-bas pendant le bombardement. Comment cette petite ville vivait paisiblement entre ses marchés, ses habitants qui allaient au bal, qui draguaient, qui peignaient, qui encadraient... Comment elle fut totalement détruite.

    Ce qui me frappe c'est que Antoine Choplin nous décrit un jeune peintre qui ne fait que des hérons, des toiles représentatives, figuratives alors que le tableau de Picasso qui représente ce drame est une toile cubiste, déstructurée. Je ne suis pas capable de dire ce qu'il faut en tirer comme conclusion -peut-être aucune d'ailleurs-, mais ce détail m'a sauté aux yeux.

    Ceci étant dit, ce livre alterne les bons passages et des moins intéressants. Antoine Choplin, par une écriture simple, directe, parfois orale décrit le quotidien de Basilio et s'attarde sur ses moments d'isolement, lorsqu'il peint. Descriptions des paysages, du héron et des questionnement du peintre :

    "Basilio se dit qu'il conviendrait peut-être un jour ou l'autre de se résoudre à oublier le héron lui-même pour ne s'intéresser qu'à l'âbime qui s'ouvre à l'interstice de son regard. Plonger un peu là-dedans, et seulement ça.

    D'ailleurs, de cette façon, on pourrait au passage abandonner tout le reste. Le héron lui-même donc, son plumage, ses allures fières, la flêche de son bec, mais aussi tout ce qui façonne son environnement. [...] On se dirait que oui, sans doute, la réalité profonde du héron peut être détachée de celle de la matière et des paysages qui l'entourent." (p.55/56)

    C'est dans ces réflexions-là qu'on se dit que Basilio s'approche au moins mentalement du Maître, Picasso. Et c'est là sans doute la relation entre leurs peintures : Basilio, sans connaître celle de Picasso s'en approche au moins par la pensée (pour apporter une tentative d'explication à mon interrogation précédente sur le choix de l'auteur de prendre deux peintres totalement différents), mais n'ose pas encore franchir le pas : "Il conviendra seulement, comme les autres fois, mieux que les autres fois, mieux qu'il ne l'a jamais fait jusqu'à présent, d'ausculter ce héron du regard, avec un application parfaite, d'en cueillir quelques traits cachés, et surtout une petite lueur de vie. Et c'est tout." (p.56/57)

    J'ai beaucoup aimé ces passages sur la peinture, sur les paysages, mais ils sont parfois un peu longs et manquent de couleurs, de lumière. C'est un peu terne. Ainsi en est-il aussi du bombardement de Guernica qui dure, qui dure sans que jamais vraiment l'émotion ne gagne le lecteur. Je ne saurais dire à quoi c'est dû, d'autant plus que l'écriture d'Antoine Choplin m'a plu. Beaucoup même, parce qu'avec une économie de moyens, il sait raconter une histoire, des personnage et décrire des lieux. Point d'envolées lyriques, qui peuvent être utiles ou réjouissantes parfois, mais qui ici, auraient été probablement déplacées.

    Pour résumer, je dirais que j'ai une toute petite déception dans un roman qui mérite très largement d'être ouvert -et lu, bien sûr !- ne serait-ce que pour se retrouver en compagnie de Basilio lorsqu'il peint dans les marais de Guernica, dans un silence seulement perturbé par les cris des oiseaux aux alentours. Et puis, cette opposition entre ce calme complet, cette quiétude gâchée, assassinée par le bombardement meurtrier est une idée de livre qui marche formidablement bien.


  • Conseillé par
    28 août 2011

    Superbe!

    Basilio, peintre amateur habitant Guernica est encouragé par le père Eusebio pour assister en tant que spectateur à l'exposition internationale des arts et techniques qui se déroule à Paris et rencontrer ce fameux peintre représentant l'Espagne : Picasso.
    Car selon Eusebio, qui mieux que Basilio peut témoigner de cette journée d'horreur qui a eu lieu à Guernica?
    Basilio accepte donc de faire le voyage et de rencontrer cet artiste qui a peint Guernica... mais qu'il n'a jamais vu dans ses rues!


    Hormis le premier et le dernier chapitre, le reste du roman se déroule au moment de l'attaque de Guernica.
    Nous faisons plus ample connaissance avec les habitants de Guernica : l'oncle Augusto, Maria, Celestina dont Basilio est amoureux... Les gens de Guernica ont une vie simple : le marché, l'usine, le bal... Cette vie est de plus en plus rythmée par les passages de soldats et malgré la douceur de vivre apparente, la guerre n'est pas loin.
    Basilio passe la plus grande partie de son temps à peindre un héron. Il s'applique à vouloir rendre les émotions qui le parcourent lorsqu'il peint, ce qu'il ressent à la vue de cet animal, l'intensité de son regard... C'est une espèce de joute artistique qui s'engage lorsqu'il se retrouve face à lui. Il aimerait capter cette sensibilité, cette grâce à l'aide de son pinceau et de son regard d'artiste.
    Mais Guernica ne restera pas sereine très longtemps...

    L'écriture d'Antoine Choplin est magnifique.
    Il réussit avec une économie de mots à faire ressentir au lecteur une foule d'émotions bien difficiles à décrire, tout comme lui a bien du mal à retranscrire sur sa toile ce qui le parcourt lorsqu'il est face au héron.
    Ce roman est bouleversant tant par la poésie, la douceur et la sensualité de ce qu'il décrit, que par la dureté et l'horreur de ce qui va se passer.
    Chaque chapitre est décrit à la manière d'un tableau avec un pinceau d'une douceur et d'une justesse incroyable... C'est superbe!!!


  • Conseillé par
    24 août 2011

    Très belle plume

    Voilà un roman très bien écrit qui pose des questions sur l'art: comment Picasso peut-il peindre Guernica sans avoir vécu les drames qui s'y sont déroulés? Basilio est perplexe. Des pages sont consacrées aux moments où Basilio peint et donc à sa manière de percevoir le monde. Peindre lui permet de survivre au pire, comme d'autres dans le roman s'accrochent au football ou à leur religion.

    C'est donc un très beau livre truffées de réflexions mais où il ne se passe pas grand chose, si l'on peut dire que la mort de plus de mille personnes tuées dans les bombardements d'Hitler en ce 26 avril 1937 ne sont rien. Par contre, la scène finale dont je ne vous dirai rien est une grande réussite: j'avais l'impression d'être près de Basilio et de vivre ce fantastique moment avec lui.