Yv

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Je lis, je lis, je lis, depuis longtemps. De tout, mais essentiellement des romans. Pas très original, mais peu de lectures "médiatiques". Mon vrai plaisir est de découvrir des auteurs et/ou des éditeurs peu connus et qui valent le coup.

Éditions Gallmeister

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2 février 2011

Qu'il m'a été difficile de résister à la première partie du bouquin : la mise en place des personnages, des situations est très longue. Beaucoup de références à l'année 1991 avec des noms de personnes et de lieux a priori connus, mais pas de moi. Loin d'être un spécialiste des Etats-Unis et pas forcément passionné par les années 90, je m'y suis perdu. Heureusement, il y a de bons passages qui permettent de tenir. Et tant mieux serais-je tenté de dire, parce qu'à partir de la page 131, l'histoire s'emballe. Et là, je me suis retrouvé en plein roman noir à la fois grinçant, drôle et dérangeant. Voilà le passage qui, selon moi, fait basculer vraiment le livre : "Tandis qu'il la tenait serrée tout près de lui, Taylor prit conscience de deux choses en même temps. Premièrement, le lendemain était le jour de son entretien de suivi avec le boss de Quid Pro Quo (dont le nom n'avait jamais été mentionné par Asher) et il allait être question du remboursement.

Deuxièmement, ce qu'elle avait pris pour du rouge à lèvres était en fait du sang." (p.135)

Ensuite, Taylor, jusque là, jeune femme ambitieuse certes, mais seulement ambitieuse, passe du côté obscur de la force. Todd, son co-locataire, le narrateur, ne peut que constater que celle dont il est amoureux lui échappe totalement.

L'écriture est plutôt moderne, sans être trash. Rien de bien nouveau, mais à part ces références états-uniennes des années 90 auxquelles je ne comprends rien (qui s'estompent dans la seconde partie au fur et à mesure que le récit s'épaissit), le livre se lit bien et agréablement. J'ai pu trouver dans ce livre des ressemblances avec certains films : Le prix du danger, d'Yves Boisset ou encore Le couperet, de Constantin Costa-Gavras. Surtout avec le second d'ailleurs. Mais j'ai eu également des flashs du premier au cours de ma lecture. Peut-être le constat que certains sont obligés d'aller au bout de leurs limites pour exister ? Peut-être la vision de l'auteur sur le monde des médias et de la justice.

Enfin, ce que je peux dire c'est que cette seconde partie est passionnante et que je me suis demandé jusqu'à la fin comment cette histoire pourrait finir. Je suis d'ailleurs plutôt surpris de la manière dont Greg Olear clôt son roman : une fin bien amenée et assez étonnante.

Pour résumer, si vous passez rapidement les 130 premières pages, vous découvrirez un très bon roman noir, qui franchement vaut le coup que vous fassiez ce petit effort.

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29 janvier 2011

Je ne sais si c'est de mon fait ou non, mais en ce moment, j'ai du mal à entrer dans les bouquins. Celui-ci ne déroge pas à la règle. Mais, j'ai passé le cap des premières pages pour mieux m'imprégner de cette quête. Et finalement, je sors du livre plutôt réjoui.

Toute la partie sur la Résistance, Jean Moulin et la guerre est intéressante, et François-Guillaume Lorrain, au travers de cette grande Histoire, nous conte la petite, celle de la famille du narrateur. Le Docteur Guy Rolin, douze ans en 1944 a vécu douloureusement cette période. L'enquête et la quête du fils sont bien menées et le secret ne se dévoile qu'en fin de roman, après des suppositions, des fausses-pistes, bien amené pour clore de belle manière ce livre. Le contexte est là, pesant, lourd, propice aux secrets, aux non-dits, aux mensonges.

Mais ce qui m'a le plus intéressé, ce sont les relations père-fils, père-fille, et comment l'histoire de l'un peut influencer notablement et durablement ces relations. En bien, ou malheureusement en mal. Cette famille est mal en point, même lorsque le père est mourant : "Sa chambre d'hôpital aurait pu nous réunir, mais la mort avait déjà mis les barbelés. Ceux qui entraient croyaient voir un père et son fils venu à son chevet, mais il n 'y avait plus qu'un vivant et un déjà-mort. Je faisais semblant de m'intéresser aux infirmières, je suivais leurs gestes mécaniques, j'écoutais malgré moi leurs propos insignifiants. Des banalités, toujours des banalités, qu'il laissait dire. Il gisait comme une tortue renversée sur le dos. Un père, à la fin, c'est un animal blessé, vulnérable. Une machine qui se déglingue et qui casse de partout." (p.18)

Au fil des pages, le journaliste découvre réellement son père. Entre eux, il y a toujours eu beaucoup de retenue, comme souvent dans cette génération de père-fils -et je sais de quoi je parle, mon papa avait aussi 12 ans en 1944 ! Et je suis un petit peu -à peine (?)- plus que trentenaire !- : "Je revois son visage. Etait-il beau ou laid ? Je ne sais pas. C'était un visage dur et fermé de statue, que j'effleurais du bout des lèvres, sans jamais le toucher. Mais les pères ne sont pas faits pour qu'on les touche." (p.109)

Sobrement écrite, cette recherche d'identité parlera aux hommes de ma génération. Mais je crois qu'elle touchera également un public plus large, plus jeune et féminin. Tout le monde, quoi !

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19 janvier 2011

Roman noir diablement efficace. Une écriture rapide, sèche, directe. La description de la fusillade est un exemple du genre : terrible, horrible. Filmée "à la lettre" la scène serait insoutenable. Ecrite, chacun y met ses propres images pour la rendre supportable. Le reste du bouquin est moins "hard", mais, je le redis, efficace. La transformation de ce père de famille en barjot total et incontrôlable est impressionnante. Pas incroyable, parce que le talent de J-H Oppel est justement de nous faire croire à l'incroyable, nous y amenant par petites touches : Salgan a la baraka, la chance du débutant, la haine totale et plus aucune raison de s'émouvoir. Une idée de la rapidité du style ? Salgan arrive devant les ruines fumantes de sa maison : "Jérome-Dieudonné Salgan s'affole derrière son volant. Il voudrait écraser tous ces cons qui lui barrent le passage. Des voisins en pyjama. D'autres en tenue d'intérieur, tricot de corps et bretelles pendantes sur les fesses. Des bigoudis. Des robes de chambre. des normaux habillés, les pantoufles aux pieds. Se couchent pas tous comme les poules, dans la Cité.

Des uniformes, aussi. Beaucoup. Qui s'écartent devant la Mercedes. Se méprennent." (p.37)

Jean-Hugues Oppel nous plonge dans les arcanes de la raison d'état, dans les magouilles des puissants pour se débarrasser de ceux qui les gênent. Les officines secrètes, obscures qui font le sale boulot, dirigées par des personnages louches, sans scrupules. Les secrets d'état bien gardés, par des hommes prêts à tout pour que rien ne s'ébruite.

Une sacrée bonne idée de Payot et Rivages de rééditer ce roman très noir qui n'a pas pris une ride, (écrit en 1988), et ceci malgré l'absence d'Internet, de téléphones portables et autres gadgets dont sont remplis les romans récents. Souvent à juste titre, mais parfois jusqu'à l'overdose.

roman

Stock

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19 janvier 2011

On, comment dire, pour ne pas fâcher ? C'est un livre... allez, j'y vais : c'est un livre qui, loin d'être désagréable, ne me laissera pas un souvenir impérissable. Bien écrit avec des phrases courtes, rapides, il dit toutes les angoisses d'une future mère. Cette future mère qui vit dans une famille dans laquelle les relations et la communication sont difficiles, voire conflictuelles. Envie, jalousie, ... Une petite dose de secret de famille en plus que l'on sent poindre dès le début autour des hommes, grands absents de la fratrie. Se lit vite, même si j'ai mis un petit peu de temps, peut-être par manque de motivation (139 pages aérées).

Malgré ces bons points, j'ai eu du mal donc à aller vite, parce que je me suis senti relire. Comme si Capucine Ruat écrivait des choses déjà dites, sans rien inventer. C'est un peu larmoyant, mais sans vraiment d'émotion. Peut-être mon statut d'homme m'empêche-t-il d'entrer dans la psychologie de la femme enceinte (mais, bon, j'ai quand même dû supporter -dans les deux sens du terme- ma femme pendant deux grossesses, et ce n'était pas une sinécure !) et dans la subtilité des relations mère-fille, très largement évoquées : "Toute ma vie j'ai souhaité qu'elle meure, très fortement, j'ai souhaité que ma mère meure, ça ne se dit sans doute pas, mais tout irait mieux si elle n'était plus là, j'ai mis du temps à comprendre, ce n'était pas ma faute, elle ne m'aimait pas, ne m'avait jamais aimée, c'était si clair, et trop tard, la vie avait passé, toute mon enfance et mon adolescence, envolées, une partie de ma vie de femme, gâchée, je voulais sa mort, puisque tout était mort entre nous, que sa dureté, sa sécheresse me brûlaient, je ne supportais plus de la voir, de l'entendre, notre indifférence, moi quémandant ses miettes d'amour, je n'osais pas me l'avouer, et puis un jour, à la télévision, une actrice a dit qu'elle n'aimait pas sa mère, souhaitait sa disparition, ôter le poids mort, elle a dit à ma place ces mots incorrects." (p.98/99)

Cette phrase symbolise bien le livre : un bon début, un style littéraire que j'aime bien, et puis, patatras, arrive la fin, cette actrice, qui dit à la place de l'autre. Comme si justement, Capucine Ruat ne faisait que répéter ce qui avait déjà été dit par d'autres.

Rien de bien original, rien de bien désagréable. Un livre qui ne touche ni n'émeut, malgré les thèmes qu'il aborde. Dommage.

Christian Bourgois

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5 janvier 2011

L'histoire se passe dans une forêt. Vieil Homme et Vieille Femme y déambulent, discutent, se disputent et cherchent des clairières. Accompagnés de Pinprop, leur bouffon eunuque, leur esclave, ils philosophent, Pinprop dirigeant à la fois leurs pas et leurs échanges verbaux :

"Sans se retourner vers le vieux couple, il [Pinprop] déclara :

- Comme nous le disions. Nous avons effectivement trouvé l'endroit, et l'endroit nous a effectivement trouvés. Nous ne sommes pas encore arrivés, mais chaque endroit où nous nous arrêtons exige une redéfinition de notre destination.

- Tu veux dire que nous ne sommes pas encore arrivés ? demanda Vieille Femme, indignée.

- Oh, si, répondit Pinprop. Mais seulement à titre provisoire.

- Quoi ! s'écria Vieille Femme.

- C'est comme ça, dit Pinprop d'un ton rassurant. Quand une oie pond un oeuf, beaucoup d'autres oeufs seront pondus. Quand une tapette attrape une souris, beaucoup d'autres souris seront attrapées. L'objectif final d'une oie, c'est de devenir oeuf ; pour la tapette, c'est de finir souris.

- Oui, dit Vieille Femme. Cela est très sensé. Continue." (p.14/15)

Ce court conte ou fable philosophique recèle de nombreux dialogues de ce type. On y croise également d'autres personnages : l'Homme, Nouvel Homme et Nouvelle Femme, tous emplis de questionnements et en recherche de réponses. J'avoue que je n'ai pas toujours tout compris, mais Ben Okri a une écriture qui fascine et qui fait qu'on a envie d'aller au bout de son histoire. Sa forêt peut être une sorte de Purgatoire, de salle d'attente du Paradis, ou encore un jardin d'Eden, chacun y voyant ce qu'il a envie d'y trouver. Qui des réponses, qui des pensées, comme Nouvel Homme : " Le jeune homme attendit patiemment. Puis il parla.

- La vie est un chef-d'oeuvre de l'imagination, dit-il.

- C'est tout ?

- Oui. Ne trouves-tu pas que c'est adorable ?

- L'imagination d'un esprit malade, je dirais. Allons-y.

- C'est honteux que ça ne te plaise pas. C'est la meilleure pensée que j'aie eu de toute ma vie.

- Allons-y.

- La meilleure pensée de toute ma vie et elle disparaît en en clin d'oeil.

- Je suis sûre que nous survivrons à cette déception.

- Allons-y, ma chérie.

- Oui. Allons-y." (p.75)

Cette fable est suivie de 13 "stoku" forme narrative que Ben Okri a créée : "Sto" pour story (= nouvelle) et "ku" pour haïku. "Selon ses propres mots, son origine est mystérieuse, son but est la révélation, sa forme compacte, son sujet infini. Sa nature est l'énigme. (4ème de couverture) Ce sont en fait de très courtes nouvelles, de une à trois pages, racontant des faits, des histoires de manière poétique, dans le même genre que le conte qui précède, et qui "proposent un mode différent d'appréhension du monde, dur et extrême, qui nous entoure." (4ème de couverture)

Une lecture passionnante, très différente des productions en vue. De l'ironie, du décalage, de la poésie, de l'humour, de la philosophie, etc, etc, ... A lire et à relire ; pour cela, je le garde pas très loin de moi, pour piocher dedans, de temps en temps.